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Cessions de terres au Rwanda : y a-t-il une brouille entre Brazzaville et Kinshasa ?

Denis Sassou-N'guesso et Paul Kagame

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Internationale
Cessions de terres au Rwanda : y a-t-il une brouille entre Brazzaville et Kinshasa ?

Un certain climat de méfiance semble ternir les relations de voisinage entre Brazzaville et Kinshasa. Les deux capitales les plus proches du monde vont dans des directions diamétralement opposées dans leurs rapports avec le Rwanda. Leur amitié ou inimitié avec Kigali affectent les deux rives. Des cessions de terres par Brazzaville au Rwanda inquiètent à Kinshasa.

Si officiellement Kinshasa et Brazzaville ne reconnaissent pas de tensions diplomatiques entre la République Démocratique du Congo et la République du Congo, il y a des signes qui trahissent une certaine méfiance.

À Brazzaville, les habitants se plaignent ces derniers temps de coupures de courant beaucoup plus importantes que d'habitude. Si les délestages sont courants, leur fréquence et leur durée sensiblement plus grandes poussent les habitants de Brazzaville à pointer du doigt le voisin Kinshasa qui leur fournit de l'électricité. Depuis octobre, la RDC a réduit sa fourniture en électricité à Brazzaville. Officiellement, cela est dû à des travaux au niveau du centre électrique à Kinshasa.

Pour Landry Tchissambou, acteur de la société civile en République du Congo interrogé par TV5MONDE, "ce sont des actions de représailles contre les accords contre le rapprochement du Congo et le Rwanda. Le Congo doit faire un rétro pédalage et rompre les accords avec le Rwanda pour essayer un peu de décrisper la situation entre les deux pays."

Depuis quelques années, Brazzaville se rapproche de Kigali. En avril 2021, lors de la visite du président rwandais Paul Kagamé en République du Congo, huit accords avaient été signés entre les deux pays avec à la clé des cessions de terres congolaises. 

En revanche, Kinshasa considère le Rwanda comme un pays agresseur à l'est de son territoire en raison de son soutien à la rébellion du M23. Les Nations unies et plusieurs pays occidentaux notamment dénoncent aussi Kigali qui nie toute implication.

Quels sont les liens qui lient les deux Congos ?

Ce qui lient les deux pays et populations et bien plus fort et profond. Voisins et frères séparés par un fleuve dont ils portent tout deux le nom, les Congolais des deux rives. Malgré leur différence de taille énorme, 6 millions d'habitants et une superficie de 342000 km2 pour la République du Congo contre 99 millions d'habitants et 2,345 millions de km2 pour la République Démocratique du Congo, ils partagent le lingala et d'autres langues, une même histoire avant la colonisation et un vaste patrimoine culturel dont la rumba congolaise au niveau musical.

Les deux capitales Brazzaville et Kinshasa vont partager le label de Capitale africaine de la Culture pour 2024-25. Elles succèdent ensemble à Rabat.

Officiellement, à peine 5% des 12 millions d’hectares de terres arables de la République du Congo sont exploitées pour une agriculture vivrière. L'agriculture étant la principale activité de la population, cette dernière s'émeut de ce transfert de terrains à des intérêts rwandais. Dans l'opposition congolaise, certains dénoncent ces accords comme une violation de la souveraineté nationale.

Interrogé par TV5MONDE, l'ancien ministre de l'Énergie de la République Démocratique du Congo aujourd'hui député de la majorité présidentielle Willy Mishiky nie une volonté de représailles de son pays. En revanche, il insiste sur la méfiance de la RDC à l'égard des activités du Rwanda à Brazzaville. "Cela na rien de politique. Il est est vrai que nous ne voyons pas d'un bon oeil que les Rwandais puissent acheter des terres juste en face de la ville de Kinshasa le long du littoral du fleuve Congo. Cela nous inquiète. La République du Congo est un pays souverain et donne à qui elle veut des concessions foncières. Cela nous met en méfiance. Nous avons mis tous les moyens pour surveiller ce que font les Rwandais de l'autre côte de la rive." 

Cession de terres de Brazzaville au Rwanda

Dans une interview à la télévision nationale de la République du Congo en juin 2023, le ministre de la Coopération internationale et de la promotion du partenariat public-privé, M. Denis Christel Sassou Nguesso, qui n'est autre que le fils du président Denis Sassou Nguesso, a tenté de désamorcer les inquiétudes et les critiques concernant un projet de cession de terres exploitables au Rwanda dans près de trois départements du Sud du pays (du Pool, Bouenza et Niari) pour une durée de 20 ans.

Selon lui, « l’Etat met des espaces des terres à la disposition des sociétés, par le mécanisme d’emphytéotiques. Nous ne donnons pas des terres au Rwandais ». L’accord ne concerne pas une société rwandaise, mais une société de droit congolais dont les actionnaires sont basés au Rwanda, ajoute-t-il. 

Pour sa part, le Premier ministre de la République du Congo Anatole Collinet Makosso a lui fait une descente sur le terrain les 5 et 6 juin 2024 dans le département de Bouenza pour démentir la vente de terres des Rwandais, rapporte le Journal le Dépêches de Brazzaville. « Aucune autorité locale n’a reçu officiellement une délégation rwandaise qui viendrait chercher à identifier les terres qui lui auraient été cédées », a-t-il expliqué. Il précise néanmoins que le autorisations expresses d'occuper le terrain faites en 2022 auront expirées fin 2024 si rien d'ici là n'a été entrepris.

Manque de transparence

Reste que les informations concernant ces accords de cession de terres conclus et les projets qui en découlent manquent de transparence, aussi sur les surfaces que les durées ou encore les activités.

Selon un arrêté au journal officiel en date du 18 mai 2022, environ 12000 hectares ont été mis à disposition par autorisation expresse à la société Eleveco-Congo SAS en vue de la mise en oeuvre d'un projet agro-pastoral au ranch Massangui, district de Yamba, département de La Bouenza pour une durée de 20 ans.

Un autre projet d’investissement rwandais avait été rendu public dans le cadre de ces accords entre la République du Congo et le Rwanda. La holding Crystal Venture, proche du parti du pouvoir rwandais le FPR, investit 200 millions de dollars dans la Zone Économique Spéciale (ZES) de Maloukou à 70 km de Brazzaville. Selon les dires du Premier ministre congolais, 4 usines devaient démarrer d’ici 2024, selon l’ambassadeur du Rwanda en République du Congo, M. Theoneste Mutsindashyaka qui avait rencontré fin juin 2023 le ministre congolais de la Coopération internationale et de la promotion du partenariat public-privé, M. Denis Christel Sassou Nguesso, rapporte l’Agence congolaise d’information.

Pas de match à Kinshasa pour les Diables rouges de Brazzaville

Un évènement sur le plan sportif a marqué les esprits. Lors d'un match de football comptant pour les éliminatoires de la Coupe du monde 2026, les Diables rouges du Congo-Brazzaville ont déclaré forfait lors d'un match contre le Niger qui devait se jouer le 6 juin à Kinshasa. Une décision qui a valu à la sélection de la République du Congo de perdre le match en question. 

Le Congo n'avait pas de stade homologué pour recevoir le Niger et le match avait été délocalisé à Kinshasa. Mais Brazzaville avait réussi finalement à rénover son stade Massambat-Debat quelques jours avant la rencontre et espérait accueillir les Nigériens. Sauf que le Niger a refusé de se rendre à Brazzaville préférant jouer à Kinshasa. En conséquence de quoi, le ministre des Sports du Congo-Brazzaville Hugues Ngouélondélé a annoncé le forfait de l'équipe nationale du Congo plutôt que de jouer à Kinshasa. 

Le match contre le Maroc le 11 juin qui devait lui aussi se jouer initialement à Kinshasa avait été délocalisé à Agadir et s'est soldé par une défaite cuisante des Diables rouges 6 buts à zéro.

Avec TV5MONDE

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