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Kinshasa : Constant Mutamba, un ministre devenu encombrant ?

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Kinshasa : Constant Mutamba, un ministre devenu encombrant ?

Le ministre de la Justice, Constant Mutamba, autrefois perçu comme une figure montante et dynamique du gouvernement congolais, voit sa popularité s'effriter au sein du palais présidentiel.

À seulement 36 ans, cet ancien opposant devenu pilier du gouvernement Suminwa sous la présidence de Félix Tshisekedi multiplie les initiatives audacieuses, souvent perçues comme des coups d’éclat populistes.

Mais derrière ses annonces fracassantes – mandats d’arrêt contre des figures comme Corneille Nangaa ou Paul Kagame, récompenses mirobolantes pour leur capture – se dessine une fracture croissante avec l’entourage du président. Mutamba, jadis salué pour son dynamisme, semble aujourd’hui ternir l’image d’un pouvoir qu’il prétend servir.

Depuis sa nomination en mai 2024, Constant Mutamba n’a cessé de faire parler de lui. Avocat de formation et leader de la Dynamique Progressiste Révolutionnaire (DYPRO), il s’est imposé comme une voix forte contre la corruption, la trahison et l’insécurité, trois maux qui gangrènent l’Est de la RDC.

Parmi ses faits d’armes, le procès expéditif de Corneille Nangaa, ancien président de la CENI devenu chef de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), condamné à mort par contumace en août 2024 pour "haute trahison" et "crimes de guerre". Mutamba ne s’est pas arrêté là : il a lancé un mandat d’arrêt international contre Nangaa et ses acolytes du M23, dont Bertrand Bisimwa et Sultani Makenga, promettant même, en mars 2025, une récompense de 5 millions de dollars à quiconque faciliterait leur arrestation. Une prime de 4 millions a également été offerte pour la capture de figures moins connues comme Pero Luwara ou Irenge Baelenge.

Mais ce zèle judiciaire ne s’arrête pas aux frontières congolaises. En août 2024, lors d’un échange avec des experts de la CPI à Kinshasa, Mutamba a appelé à un mandat d’arrêt contre Paul Kagame, président rwandais accusé de soutenir les rebellions dans l’Est. Une sortie audacieuse, mais qui, selon plusieurs observateurs, reste lettre morte faute de suivi concret.

Sur X, des voix dénoncent un "populisme" sans résultats : "Mandat d’arrêt contre Nangaa, ventes de ses biens, saisie des avoirs de Pero Luwara sans jugement… tout ça sans suite."

Une confrontation avec Judith Suminwa

Le ministre ne se contente pas de viser les ennemis extérieurs. Récemment, une altercation avec la Première ministre Judith Suminwa a jeté une lumière crue sur les tensions au sein du gouvernement. Lors d’un échange rapporté comme "houleux", Mutamba aurait évoqué "l’odeur de la corruption" au sommet de l’État, une pique à peine voilée à l’administration Suminwa.

Première femme à occuper le poste de Première ministre depuis juin 2024, Suminwa incarne une approche plus mesurée, contrastant avec l’impétuosité de Mutamba. Ce clash, bien que non documenté dans les sources officielles, circule dans les couloirs du pouvoir et sur les réseaux sociaux, où les internautes fustigent un ministre "cherchant à plaire à Tshisekedi" au détriment de la cohésion nationale.

Si Mutamba a su, un temps, séduire par son discours anti-corruption et ses réformes judiciaires – comme la numérisation de l’administration pénitentiaire ou la lutte contre les nuisances sonores –, son style commence à agacer l’entourage de Félix Tshisekedi.

Des proches du chef de l’État, cités anonymement dans la presse locale, reprochent à ses initiatives de projeter une image d’instabilité et d’amateurisme. "Il ternit la crédibilité de Félix", murmure-t-on dans les cercles présidentiels, où l’on craint que ses annonces grandiloquentes ne masquent une incapacité à obtenir des résultats tangibles.

 À force de multiplier les coups d’éclat, Constant Mutamba risque de s’isoler, au Palais comme dans l’opinion. La question reste posée : jusqu’où tiendra-t-il avant que le vent ne tourne définitivement ?

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