RDC-Rwanda: Vers un accord de paix qui récompense l’agresseur ?
Alors que l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) continue de sombrer dans l’insécurité alimentée par la rébellion du M23, soutenue militairement par le Rwanda selon Kinshasa, un projet d'accord orchestré par les États-Unis pourrait légitimer – voire récompenser – Kigali pour son implication dans l’exploitation illégale des minerais congolais.
Derrière une initiative diplomatique américaine censée apporter la paix se profile une réalité troublante : l’intégration de minerais congolais, issus majoritairement de zones minières artisanales, dans la chaîne de valeur industrielle rwandaise. Le paradoxe ? Kigali, accusé depuis des années de piller ces ressources à travers ses soutiens rebelles, deviendrait un acteur officiellement reconnu de leur traitement et de leur commercialisation.
Selon plusieurs sources diplomatiques citées par Reuters, les négociations menées par Washington pourraient aboutir à un accord de paix dès cet été. Ce dernier inclurait des mécanismes permettant au Rwanda d’exporter légalement des minerais congolais comme le coltan, l’étain et le tungstène pour les raffiner et les vendre à l’international. L’objectif officiel serait de favoriser la traçabilité, l’industrialisation et l’attraction d’investissements américains dans une région dominée économiquement par la Chine.
Mais pour beaucoup d’observateurs, cette approche revient à normaliser l’inacceptable. « Le Rwanda s’imposerait comme bénéficiaire d’un système qu’il a largement contribué à désorganiser par ses interventions militaires et son soutien à des groupes armés », confie un analyste régional sous couvert d’anonymat.
Pour Kinshasa, accepter un tel accord reviendrait à céder face au chantage géopolitique. « Pas de coopération sans le retrait des troupes rwandaises et de leurs supplétifs du M23 », affirme une source congolaise haut placée. Le gouvernement congolais insiste : il n’y aura pas d’exploitation conjointe sans respect total de la souveraineté, y compris sur les ressources naturelles.
Dans les faits, les rebelles du M23 contrôlent de larges portions du Nord-Kivu et ont récemment renforcé leur présence stratégique dans le Sud-Kivu. Pendant ce temps, des tonnes de minerais continuent d’alimenter l’économie rwandaise, selon plusieurs rapports onusiens.
Une promesse américaine à double tranchant
Du côté américain, cette diplomatie économique s'inscrit dans une logique de compétition stratégique avec la Chine. En mobilisant une trentaine d’investisseurs potentiels et l’appui financier de la DFC (International Development Finance Corporation), les États-Unis espèrent asseoir leur influence tout en pacifiant la région des Grands-Lacs.
Mais cette stratégie inquiète. « Est-ce ainsi que l’on récompense un pays accusé d’alimenter une guerre ? », s’interroge un internaute sur les réseaux sociaux. « Cette initiative risque d’institutionnaliser l’impunité tout en marginalisant les revendications de justice et de réparation des Congolais. »
Les partisans de l’accord avancent qu’en intégrant légalement le Rwanda dans le circuit minier, on réduirait ses incitations à intervenir militairement en RDC. Mais pour beaucoup, cette logique est dangereuse : elle place l’agresseur au cœur du système et fragilise davantage un État congolais déjà éprouvé.
Ce qui se trame entre Kigali, Kinshasa et Washington mérite l’attention de toute l’Afrique. Car si un pays peut, en agressant un autre, être légitimé dans son enrichissement, alors qu’est-ce qui empêchera demain d'autres puissances régionales d'en faire autant ? La RDC, riche de son sol, mérite des alliés, pas des arbitres.
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